Le 1° tour de l’élection présidentielle c’est dimanche prochain - 23 novembre.
N’étant plus en Tunisie depuis quelques semaines il m’est impossible de me faire une opinion de ce qui se dit dans la rue. Ma seule source d’information est la presse locale. Voici néanmoins une synthèse non exhaustive et toute personnelle de ce qu’on peut retenir des arguments développés pour ou contre les 2 principaux prétendants.
En effet il est clair que pour nombre d'observateurs cette élection se résume désormais à un affrontement entre Béji Caïd Essebsi (BCE) - président du parti majoritaire Nidaa Tounés - et Moncef Marzouki - président de la République « transitoire » sortant et président d’honneur du parti CPR laminé lors de l’élection législative.
Cette situation résulte du fait que
- le second grand parti Ennahdha ne présente pas de candidat et, après bien des hésitations, n’a finalement pas donné de consigne de vote (voir messages précédents),
- les autres candidats sont issus de partis qui n’ont plus de réelle représentation parlementaire et même pas du tout de représentation notamment lorsqu’ils sont candidats « indépendants »,
- parmi ces candidats (27 au départ) certains se sont maintenant désistés, dont des personnalités importantes comme Noureddine Hached ou Mustapha Kamel Nabli. De ce dernier il se dit que les vrais raisons de son retrait seraient un possible compromis avec BCE pour qu’il prenne la tête du gouvernement (voir article dans www.tunisienumerique.com )
- A noter aussi que le président sortant de l’Assemblée Nationale Constitutive (ANC) - Mustapha Ben Jaâfar - se présente comme candidat « consensuel », mais son parti Ettakatol a perdu le seul siège de député qu’il aurait pu avoir au profit de Nidaa Tounés suite à un recours.
Je limiterai donc cette synthèse à BCE et M. Marzouki.
J’ai relevé dans la presse les arguments suivants :
- S’agissant de Béji Caïd Essebsi
- Pour : son expérience d’ancien ministre et d’ambassadeur, sa réussite en tant que 1° ministre lors de la 1° phase de transition après le départ de Ben Ali, son sens élevé de l’Etat et sa fermeté, sa tolérance et son acceptation réelle du jeu démocratique et donc sa capacité à construire un état fort et de droit permettant de régler les problèmes actuels du pays (insécurité, crise socio-économique, …) dans un contexte particulièrement difficile.
- Contre : qualifié par certains de « vieux bourguibiste » (il a 87 ans), son parti est hétéroclite, qualifié de « nébuleuse politico-clientéliste », certains se réclamant comme lui de l’héritage de Bourguiba, d’autres issus du RCD ancien parti de Ben Ali, … Son concurrent direct parle même d’un « retour de l’ancien régime » du fait de la concentration entre ses mains des 3 pouvoirs : gouvernemental et législatif et présidentiel s’il est élu. Le même évoque le fait que « la révolution risque d’être confisquée à jamais si les imposteurs de l’ancien régime qui se trouvent au sein de Nidaa Tounés reviennent au-devant de la scène politique ».
S’agissant de Moncef Marzouki
- Pour : son passé de militant des Droits de l’Homme et son exil sous Ben Ali, médecin et défenseur des plus démunis, son désintéressement, son expérience de ces 3 dernières années comme président de la République « porteur et garant de l’esprit révolutionnaire », le soutien supposé mais non affiché du parti islamiste Ennahdha, sa capacité de rassembleur le positionnant comme étant le seul à pouvoir réaliser un contre-pouvoir face au gouvernement de BCE et son parti.
- Contre : une personnalité très critiquée, un bilan très contesté au sein de la troïka, un parti - le CPR - complétement laminé lors de l’élection législative d’octobre. Certains l’accusent d’avoir un discours de campagne particulièrement agressif et de contribuer au retour de la violence et du terrorisme, et même « d’être un intégriste (islamiste) qui se cache sous le masque du militant des Droits de l’Homme ».
La lutte est particulièrement dure entre ces 2 candidats. Elle fait régulièrement la une de tous les journaux et suscite bien des commentaires. Par contre la presse tunisienne est bien discrète sur le contenu de leurs programmes respectifs, si ce n’est des promesses bien générales, d’ailleurs souvent les mêmes (sécurité, emploi et pouvoir d’achat, réduction des disparités territoriales, …).
Je compte sur mes amis et lecteurs de tous pays, et bien sûr les tunisiens qui sont les 1° concernés, pour nous faire partager leurs observations en postant leurs commentaires sur ce blog.
$ $
$
J’en profite pour vous signaler le livre de Mansour Moalla « De l’Indépendance à la Révolution » - Système politique et développement économique en Tunisie - Sud Editions Tunis - qu’une amie vient de me prêter…
… et pour vous rappeler la sortie en salle le 19 novembre 2014 du film de Christophe Cotteret sur la révolution tunisienne " Démocratie, année zéro ". A Montpellier (France), le vendredi 21 à 18h projection du film suivie d’un débat au Diagonal – rue de Verdun.